Plans topographiques et imprimés de la ville de Chartres

Extrait Mémoire IV de la SAEL, 1865-1866

La Société Archéologique d’Eure-et-Loir aurait désiré satisfaire au programme qui lui avait été tracé par M. de Caumont, lors de sa visite en notre ville en 18561, en publiant un plan de la ville de Chartres sous l’occupation romaine : L’insuffisance de documents précis n’a pas permis d’aborder, quant à présent, cette importante et difficile entreprise ; un premier pas à été essayé, c’est le Plan de Chartres en 17502. Cette date reproduirait Chartres avec toutes ses fortifications complètes, avec ses nombreuses églises paroissiales et conventuelles, avec toute son antique splendeur religieuse, féodale et militaire.

Une commission fut nommée sous la direction de notre honorable Président3; elle a d’abord recherché dans les divers dépôts publics et dans les cabinets d’amateurs, tous les matériaux qui pourraient lui être utiles. Le plan fut conçu et dressé à l’échelle de 1 mètre pour 1,250 mètres : l’ensemble des calques qui ont été levés et qui font actuellement partie des Archives de la Société, s’élève à plus de soixante dessins. Les archives du Département ainsi que celles de l’Hôtel-de-Ville ont été consultées. Signalons un plan de Chartres dessiné par Ligeon, en 1729 (plan que nous avions naguère sauvé d’une destruction imminente), le plan dressé en 1779, par l’architecte Morin4, ainsi que les quatorze feuilles du cadastre qui avait été effectué en 1792, telles furent nos bases d’opération. 

[2] Ibid., t. I, p. 54.
[3] MM. de Boisvillette, président, Bonnange, Calluet, Lecocq, Merlet, Roussel, Roux et Servant. (Procès-Verbaux, t. I, p. 54, 56 et 90.)
[4] Voyez page 40.

M. le Directeur des Contributions directes nous permit obligeamment de prendre les calques nécessaires sur les feuilles du cadastre moderne, pour nous servir de cadre géométrique dans notre réédification de l’ancien Chartres. M. Roux nous a communiqué le plan de Sergent et un plan manuscrit de Chevard ; de son côté, M. Lejeune avait mis à notre disposition un recueil d’Alex. Pintart qui contient les dessins cotés de toutes les églises paroissiales du vieux Chartres1. Ce document nous fut d’une précieuse ressource, puisque nous n’avions pas d’autres indications sur les dimensions des édifices religieux détruits pendant la tourmente révolutionnaire. Le travail graphique fut confié à plusieurs jeunes gens, employés des Ponts-et-Chaussées, pleins de zèle et d’intelligence2, qui nous avaient été adjoints par notre Président. Le plan-minute, déposé dans les Archives de la Société, offre un carré de 2 mètres 17 cent. sur chaque côté ; tous les édifices ont été scrupuleusement dessinés et réduits ; le dessin n’en a été définitivement fixé qu’après un examen sévère et minutieux, lequel nous avons personnellement contrôlé, sans concession, soit à l’idéal, soit à la fantaisie ; chaque fois que les plans antérieurs au cadastre de 1792, ne contenaient pas de renseignements sur les diverses sortes de culture extra-muros, l’indication de l’ancien cadastre a été appliquée ; de même les noms des champtiers et des clos qui joignent les faubourgs furent scrupuleusement désignés.

Le plan-minute embrasse une surface carrée qui comprend : au Nord, les bâtiments des Dames du Sacré-Cœur; au Midi, l’Hospice des Vieillards ; à l’Est, le petit Séminaire de Saint-Cheron ; et à l’Ouest, l’Ecole normale. On a été forcé d’accorder une grande place aux cultures extra-muros, parce qu’on avait à cœur de reproduire les quatre anciennes paroisses des faubourgs.

[1] Ce manuscrit est actuellement à la Bibliot. de Chartres sous le n° 58, 6/G.
[2] MM. Bonnange et Proust firent le dessin et la réduction des édifices, ainsi que le tracé des voies publiques, M. Lefèvre, une portion des cultures, et M. Taillandier se chargea des écritures.

La Société ayant voté les frais d’impression du plan, dans le triple but. d’une distribution aux sociétaires ainsi qu’aux bibliothèques publiques ou établissements qui possèdent un dépôt littéraire dans le département, et d’une réserve suffisante pour la vente dans le commerce1 ; il fut délibéré que le dessin serait gravé sur pierre, et que l’on sacrifierait dans cette reproduction une portion des faubourgs, pour donner plus d’extension à la ville ; l’échelle adoptée fut de 1 mètre pour 2,500 mètres, c’est-à-dire moitié en moins que l’original : la gravure imprimée sur format grand colombier (90-63), porte 760 mill. de largeur sur 500 mill. de hauteur ; une légende qui contient plus de cent numéros fournit toutes les indications désirables. Nous pouvons affirmer, sans craindre le blâme, que l’ensemble du travail est d’une excellente exécution. La dépense totale pour la Société s’est élevée à la somme de mille francs2.

Consignons ici une vérité que l’expérience a démontrée en réalité, la Société seule pouvait mener à bien une œuvre aussi considérable. Il y eut concours matériel et intellectuel de la part des membres ; chacun apporta son contingent de dévouement, d’érudition et de richesses historiques3.
On regrettera peut-être que le Plan de Chartres en 1750, n’ait pas présenté les divisions par Paroisses, ainsi que les Censives et les Justices particulières qui existaient dans le vieux Chartres féodal. L’avenir se chargera de combler ces lacunes. La lice est ouverte actuellement aux archéologues chartrains, pour tâcher de reconstituer Chartres au XVIe siècle.

En continuant les recherches rétrospectives , nos efforts parviendront, il faut le croire, à rétablir la configuration de Chartres au VIIIe siècle, puis, en remontant plus haut, à reconstituer l’étendue de la cité sous l’occupation Romaine. Le temps et le travail sont de grands maîtres, et amènent infailliblement le succès. Espérons donc que des investigations secondées par un heureux hasard, que les démolitions de vieilles maisons et les fouilles journalières du vieux sol des Carnutes, permettront tôt ou tard de relier les tronçons encore épars et insignifiants, des vestiges Gallo-Romains. La science archéologique ne se contente pas de conjectures plus ou moins plausibles. Lorsque nous aurons le bonheur de tenir en nos mains des preuves certaines, avérées et irrécusables pour retracer les diverses et successives enceintes de la cité, nous serons heureux d’offrir à la critique de nos concitoyens cette étude capitale qui doit être, selon nous, le préalable indispensable pour la confection des plans aux époques les plus reculées.

Ad. LECOCQ
Chartres, ce 6 avril 1861.

[1] Un premier tirage de 400 exemplaires a été fait, dont 150 en bistre et 250 en noir. La pierre gravée appartient à la Société.
[2] Le Conseil municipal de Chartres accorda pour encouragement à la confection du plan, une somme de 300 francs.
[3] Déjà la Société Archéologique, pour continuer cette œuvre graphique et de longue haleine, a des matériaux suffisants pour entreprendre le plan de la ville de Dreux ; Châteaudun prendra immédiatement son rang, puis ensuite Nogent-le-Rotrou terminera cette série. Ainsi les principales villes d’Eure-et-Loir auront leur plan exact et figuré au XVIIIe siècle.

Original conservé à la Médiathèque, fonds ancien SAEL (SA), BMC. Cliquez sur l’image pour accéder à la boutique.

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