Les cochelins et autres pains de carème

Spécialités gastronomiques chartraines disparues

Ce bref article décrit deux spécialités gastronomiques dont les pâtissiers chartrains ont perdu la mémoire. Les Cochelins, friandises de Noël et les pains de carême vendus pendant la semaine sainte.
Comment animer le marché de Noël à Chartres sinon en relançant la mode des Cochelins ?

Recette des Cochelins de Blois et de Chartres

Ingrédients : 6 personnes, pâte feuilletée, 500 g de farine, 20 g de beurre, 1 pincée de sel, 2 verres d’eau, 1 jaune d’œuf, pépites de chocolat.

  • Pâte feuilletée. Dans un bol, mélanger la farine, le sel et l’eau ensemble puis pétrir le mélange et le laisser reposer 30 min dans un récipient couvert d’un linge propre à température ambiante.
  • Etaler la pâte, tartiner 1/3 de beurre et plier en 2 puis laisser reposer à nouveau 30 min.
  • Etaler de nouveau la pâte et recommencer 2 fois cette opération.

Cochelins

  • Abaisser la pâte sur une épaisseur de 2 cm.
  • Découper des formes de bonhommes grâce à un emporte-pièce.
  • Ouvrir les bonhommes sur la tranche et fourrer avec du chocolat ou de la confiture.
  • Décorer avec les fruits confits pour former le visage et des pépites pour les boutons.
  • Badigeonner les bonhommes au jaune d’œuf.
  • Préchauffer à 180°C. Enfourner durant environ 30 min. Sortir et laisser refroidir.

Au début du siècle, deux folkloristes beaucerons rappelant leurs souvenirs d’enfance signalaient dans un Journal «le Beauceron de Paris » l’existence de pâtisseries traditionnelles et originales.  La tradition culinaire du siècle passé autant que la description que pouvaient en donner deux beaucerons nous ont paru mériter une nouvelle publication.

Les Cochelins (1)

Dés la veille de Noël les vitrines de nos pâtissiers chartrains commencent à se garnir de gâteaux extraordinaires présentant des formes humaines et animales, Ce sont les cochelins.

Debout et alignés le long de la vitre, excitant la gourmandise des enfants et aussi des grandes personnes, ils semblent être les rois du jour. C’est à peine si, derrière eux, on peut apercevoir, relégués au second plan, les brioches, les babas, les éclairs à la crème, surpris devant l’exubérance et la séduisante allure de ces nouveaux envahisseurs. Hâtons-nous de dire que si leur entrée dans le monde est aussi sensationnelle, leur règne est bien court. Aux premiers jours de janvier les vieux emporte-pièces qui ont servi à leur donner la vie seront, pour une année entière, remisés au fond d’un coffre ou sur les planches d’une armoire.

A quelle époque remonte l’origine de ces cochelins ? Que signifient ces personnages? Autant de questions que nous ne pouvons résoudre de façon certaine. Étaient-ce, au début, des figurines représentant les hauts personnages et le peuple venant adorer l’enfant Jésus dans sa crèche, ainsi que les Rois Mages? Dans ce cas les figurines, transformées selon le goût du moment, ont fini par perdre complètement leur caractère symbolique.

Les cochelins, que fabriquent encore nos pâtissiers de Chartres, sont vendus 0 fr, 05, o fr. 10 et jusqu’à o fr. 25, selon leur importance. Faits de pâte feuilletée, très légère, les plus grands, c’est-à-dire les plus chers, sont nécessairement les plus fragiles.

… Ceux que nous reproduisons ici sont les sujets principaux actuellement conservés. Ce sont : le petit bonhomme, la petite bonne femme, le garde, la grande dame, le gentilhomme, le suisse, un sabre. Puis : le coq, le chien, le cheval, le cochon, la girafe, le cavalier, le poisson et le cerf, On trouve encore quelquefois le lion.

De tous ces sujets le plus récent semble être la girafe, dont la vogue, lors de l’arrivée de la première girafe en France (1), fut si populaire dans notre pays.
Dans la ville, les pâtissiers se chargeaient de la fabrication des cochelins, mais dans la campagne chaque maîtresse de maison devait fabriquer les siens et en faire suffisamment pour le nombre d’enfants et de grandes personnes dont les visites étaient attendues pendant ces Jours de fêtes.

Installés sur la table, dans de belles assiettes à fleurs descendues du dressoir, les cochelins étaient autrefois les seules étrennes que recevaient les jeunes enfants. Les jouets, pour beaucoup, étaient pour ainsi dire inconnus et bien heureux celui qui, en plus de son cochelin, recevait parfois une petite pièce de monnaie.

Les grandes personnes pouvaient avoir droit aux liqueurs : prunes, cerises et cassis à l’eau-de-vie, fabriquées, elles aussi, par la maîtresse de maison et réservées pour ces circonstances et les réunions de famille.
De nos jours (2), les cochelins fabriqués dans les maisons de la campagne ont disparu mais ceux que l’on peut encore acheter à Chartres, du jour de Noël au jour de l’An, sont suffisants pour nous
faire participer aux anciennes coutumes familiales et aux joies du vieux temps.

Gustave Fouju (3).


Les pains de carême (4)

Les pains de Carême dont nous guettions l’apparition annuelle pendant la semaine sainte, en nous rendant au collège, il y a quarante-cinq ans (5), et que nous considérions comme une friandise, ont, il nous semble, complètement disparu de la vitrine de nos boulangers.

Fatigués de bonnes choses on se délecte de mauvaises ; or les pains de Carême chartrains ont dû être institués pour causer une privation, une mortification et non un régal, à nos Beauceronnes et Beaucerons… Ces petits pains, en farine de premier choix, bien levés, dorés au jaune d’œuf et cuits à point, étaient le premier pain quotidien demandé à Dieu dans la prière matinale et qu’il nous envoyait par la femme du mitron ou la fille du geindre…(?)

Il fallait donc, en carême, pendant la semaine sainte, pour obtenir une privation de jouissance, dès le début de la journée, rendre ce pain moins attrayant tout en lui laissant sa qualité nutritive. Si nous devons nous mortifier il n’en est pas moins vrai qu’il nous faut, dès le matin, alimenter de combustible la machine humaine. On a donc modifié ce pain matinal tout en lui conservant sa matière première, la plus saine et la plus choisie, la fleur de farine, mais sans levain, par conséquent sans yeux.

Ces petites galettes toutes plates, ayant plutôt l’air d’être séchées au soleil que cuites au four, étaient agrémentées de quelques stries en lignes croisées faites au couteau pour indiquer le dessus, et cuites sans prendre couleur, ce qui les aurait rendues attrayantes. Mais ce ton blanc mat de fleur de farine était encore un attrait, il fallait aussi mortification de la vue et on lui a donné à cet effet un ton jaune clair blafard.. obtenu en faisant une dissolution, à chaud, de safran dans une casserole. À l’aide d’une fourchette, dont on remarque l’empreinte sur l’envers de chaque pain, ils étaient plongés dans le liquide jusqu’à ce qu’ils soient bien imprégnés de cette couleur, appelée à les déconsidérer, alors que le Marseillais se délecte quand ce même safran colore sa bouillabaisse.

Malgré toutes ces dépréciations, enfants, nous savions y retrouver le bon goût de la farine pure de froment, et c’était un des motifs qui nous réjouissaient de Les voir paraître. Ces petits pains traditionnels ont, je crois, totalement disparu de notre cité chartraine. Les boulangers n’en font plus ; si nous avons pu en avoir encore, il y a une douzaine d’années, pour notre collection d’ethnographie beauceronne et quelques curieux s’intéressant aux traditions populaires, c’est grâce à la complaisance de Mlle Gouablin, boulangère, rue de la Poêle-Percée, qui avait bien voulu nous en fabriquer.

Charles BLIN


[anchor id=”1″ ](1) 1827. N. D. L. R : À Chartres même, cette forme de girafe put être inspirée directement par une image populaire de l’époque, « Girafle de Sennaar » gravée par A, Thiébault, (CF, M. Jusselin. Imagiers et cartiers à Chartres p.190).
[anchor id=”2″ ](2) C’est-à-dire vers 1906,
[anchor id=”3″ ](3) Préhistorien et folkloriste beauceron, né à Chartres, mort à Paris. Il fut président des « Amis de la Beauce » de 1906 à sa mort et anima pendant de longues années le « Beauceron de Paris ». La Société Préhistorique de France et la Société d’Excursions scientifiques l’élirent à leur bureau.
[anchor id=”4″ ](4) Extrait du « Beauceron de Paris », 13è année, N° 5 et 6, mai-juin 1910, pp. 14 et 15.
[anchor id=”5″ ](5) c’est-à-dire en 1865.

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