Vie rurale au début du IXe siècle

Possessions de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés à l'ouest du Bassin Parisien au début du IXe s, spécialement celles du Drouais-Thymerais et du Perche (Cartographie Aurélie Boissière).

Un monde presque parfait

 

Présentation

Après avoir publié les cartulaires de Notre-Dame de Chartres et de quelques grandes abbayes du diocèse de Chartres, puis la traduction du cartulaire de Saint-Père-en-Vallée, la Société archéologique d’Eure-et-Loir (SAEL) présente ici quatre chapitres du Livre des donations et des revenus de Saint-Germain-des-Prés (BnF ms latin 12832), livre-terrier connu sous le titre de « Polyptyque d’Irminon » car rédigé vers 823-828 à la demande de cet abbé qui dirige le monastère vers 794-829. Ces chapitres recensent les revenus produits par les biens que possède l’abbaye parisienne dans le diocèse de Chartres et aux marges de son voisin de Séez.

Ce texte codifié rassemble les rapports dressés par les agents domaniaux de l’abbaye lors de leurs tournées d’inspection : cadastrage des biens, établissement de l’origine de propriété, notification des revenus générés. La graphie et certains indices d’énonciation signalent la plume de plusieurs scribes. Le lexique reflète l’autorité des enquêteurs : « Nous avons décidé de donner… » et la difficulté de leur tâche : «Je ne peux pas décrire… ». De ce registre rédigé dans une Caroline de l’an 800, 129 feuillets (250 x 310 mm) nous sont parvenus.

Les «brefs» ou chapitres « Villemeux » et « Boissy » ont déjà suscité des études. Après la notice d’Henri Chapron, « Boissy en Drouais, du Polyptyque d’Irminon » (Beauce et Perche n° 4, 1961), la SAEL a publié l’étude de Jean-Jacques François, «Les domaines de l’abbaye de Saint-Germain au XIe siècle dans le Drouais et le Thimerais » (Mémoire XXVII-2, Bulletin NS n° 53, 1997). L’auteur s’appuie sur les éditions de Benjamin Guérard (1844) et d’Auguste Longnon (1886-1895) et mentionne la notice précédente ainsi qu’une monographie de Guy Villette sur Thymert (dactyl. sd, fonds BMC, Médiathèque de Chartres). En 1866, Édouard Lefèvre avait commenté et traduit des passages du bref de Villemeux d’après Longnon, dans « Villemeux. Documents historiques sur les communes du canton de Nogent-le-Roi, arr. de Dreux » (Annuaire d’Eure-et-Loir 1866). En 1984, Jean-Paul Detournay a traduit et analysé des extraits du bref « Villemeux » d’après Longnon dans « Les Carolingiens et l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés », Nogent-le-Roi et son canton, étude historique.

Ici, André Cresson retranscrit, traduit et analyse les quatre « brefs » ou chapitres (Villemeux, Neuilly, Boissy, Corbon) à partir de l’édition critique de Dieter Hägermann, Das Polyptychon zum Saint-Germain-des-Prés, Studienausgabe, et fonde son analyse sur les études de Konrad Elmshäuser et Andreas Hedwig, ses élèves de l’Université de Brême : Studien aus Polyptychon von Saint-Germain-des-Prés (publications de Bohlau Verlag, Weimar-Koln-Wien, 1993). Sa traduction figure en vis-à-vis (page impaire) du latin (page paire). Certains mots latins désignant des réalités intraduisibles aujourd’hui (saltus, silva, villa, vicus etc) sont conservés et imprimés en italiques. Des notes de l’auteur renvoient à ces «brefs » (numérotés en chiffres romains) et à leurs articles (chiffres arabes). Des clichés du manuscrit illustrent le texte et un cahier d’Annexes propose cartes, tableaux statistiques, index des noms de lieux et de personnes, sources et bibliographie.

Le panorama socio-économique présenté par l’auteur reflète la gestion de la propriété seigneuriale ecclésiastique : un bien foncier identifié, géré avec méthode et laissant une trace écrite, reflet du monde régi par le monarque carolingien. Ce que rappelle Pierre Riché, président d’honneur de la SAEL :

« Les règlements d’administration monastique sont dignes de ceux des rois pour leurs propres domaines. Les rois interviennent également pour surveiller l’organisation du patrimoine des églises et la répartition des revenus. Ils invitent les abbés à établir l’inventaire de leur fortune, domaine par domaine, en indiquant le nombre des tenures, leur superficie, le nombre des paysans et celui des enfants. Ainsi le fameux polyptyque de l’abbé de Saint-Germain-des-Prés… » (Grandeurs et faiblesses de l’Église au Moyen Âge).

Un monde presque parfait dans sa gestion, un monde rude où peu de temps est laissé au paysan pour cultiver son lopin, et un monde éphémère qui s’effondre avec une monarchie affaiblie, sous l’assaut des Vikings…

Juliette Clément
Directrice de Publication de la Société archéologique d’Eure-et-Loir

 

Villemeux (Villamilt), Polyptyque de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, bref IX (BnF Gallica, ms. lat. 12832, fol. 45 r°).

Boissy (Buxido), Polyptyque de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, bref XIII (BnF Gallica, ms. lat. 12832, fol. 65 r°).

 

 

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Cresson André Regards sur la vie rurale à l’ouest du bassin parisien, de la vallée de l’Eure au Perche, au début du IXe siècle. D’après le Polyptyque de Saint-Germain-des-Prés.

 

366 p., SAEL, Chartres, 2018, ISBN 978-905866-82-0

 

 

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