Journées d’étude sur les bois antiques et protohistoriques

Cette nouvelle rencontre Bois et architecture souhaite proposer une réflexion critique sur le choix des essences dans l’architecture durant la Protohistoire et l’Antiquité à partir d’exemples attestés archéologiquement. Le recours ponctuel aux comparaisons historiques (Moyen Âge notamment) est bienvenu. De la même manière, la problématique initiale concerne le monde gallo-romain, le monde italique et le monde égéen — Grèce et Crête plus particulièrement — mais la réflexion s’ouvrira à d’autres régions pour la période antique (Europe occidentale, Balkans, Proche-Orient, Égypte, Maghreb, Japon).
Même si la découverte exceptionnelle de Saint-Martin-au-Val permet de dépasser une réflexion fondée sur les seuls textes, ces derniers n’en demeurent pas moins essentiels pour connaître la manière dont les Anciens appréhendaient les essences et leur potentiel architectural. Les connaissances actuelles et passées de la biogéographie et les aspects méthodologiques pourront aussi être abordés, de la gestion des bois lors des fouilles jusqu’à leur conservation, en passant par la phase d’analyse qui implique le recours à des spécialistes des sciences de l’environnement. Comment préserver au mieux ces vestiges souvent exceptionnels et difficiles à analyser ? Comment les valoriser auprès du public en tant qu’objets patrimoniaux ?
Jeudi 12 juin 2025
9h00-10h00 Accueil des participants (Auditorium Fulbert).
10h-10h20 Allocution d’ouverture
Thème 1 : Le choix des essences
10h30-11h Vanessa Py-Saragaglia, Clément Sarret, Maxime Remicourt, Guillaume Saint-Sever : « Essences et fonctions dans l’architecture de haute montagne du Bronze ancien : Exemple du site de la Haille-de-Pout, Cirque de Troumouse (Hautes-Pyrénées) »
11h-11h30 Léane Levillain, Vanessa Py-Saragaglia : « Les essences préférentiellement employées comme bois d’œuvre dans les palais minoens et mycéniens : apports de l’anthracologie »
11h30-12h Panagiota Markoulaki, Matthieu Loeuillet : « Quelles essences pour quels usages : le cas des aménagements funéraires d’une nécropole antique à Cenabum issus des fouilles de l’ancien hôpital Porte Madeleine à Orléans »
12h-12h30 Lison Chassaing, Roberta D’Andrea, Christelle Belingard, Didier Bert, Vanessa Py-Saragaglia, Mélanie Saulnier : « Usages et approvisionnement du bois de chênes décidus en Occitanie aux périodes gauloises et romaines »
12h30-13h50 Pause Midi (Buffet offert par la Ville de Chartres)
Thème 2 : Autour des bois de Saint-Martin-au-Val
14h-14h30 Bruno Bazin, Emmanuel Bouilly, Sonia Papaïan : « Le plafond en bois à caissons géomé- triques et la décoration intérieure du nymphée du temple d’Apollon »
14h30-15h Clothilde Azzi : « Tilleul, chêne et sapin. La sélection des essences du plafond de Saint-Martin-au-Val au regard des sources textuelles grecques et latines »
15h-15h30 Déplacement sur le site de Saint-Martin-au-Val
15h45-17h00 Présentation des bois du plafond sur site, puis discussion/échanges autour du plafond et des essences employées
17h00-18h00 Visite en avant-première de l’exposition « Bois sacrés : une enquête archéologique de Chartres à Herculanum » Vendredi 13 juin 2025
Vendredi 13 juin 2025
8h30-9h00 Accueil des participants (Auditorium Fulbert)
Thème 3 : Approvisionnement et emplois des bois
9h30-10h00 Lou Godefroy : « De la forêt à la structure : étude des techniques et matériaux ligneux utili- sés à Deneuvre, en Meurthe-et-Moselle, dans l’Antiquité »
10h00-10h30 Alessia D’Auria, François Blondel, Markus Stoffel, Gaetano Di Pasquale : “Timber and wood at Herculaneum (southern Italy): the relationship between man, wood and forest 2000 years ago”.
10h30-11h Pause café
11h-11h30 Stefano Camporeale, Chiara Bigliazzi, Mauro Buonincontri, Gaetano Di Pasquale, Maria Teresa Sgromo : « Wood utilization in roman architectural structures: the case of Populonia (Piom- bino, Italy) »
11h30-12h Fabien Colleoni, Romuald Ferrette, Gaétan Le Cloirec, Gabin Lefeuvre, Dominique Pouille : « Les bois de construction à Condate (Rennes) durant le Haut-Empire : typochronologie architecturale et données paléoenvironnementales »
12h-12h30 Héloïse Baud : « Du bois dans l’architecture domestique à Avenches/Aventicum (Suisse) : analyse, approvisionnement et valorisation »
12h30-13h50 : Repas offert aux communicants par la Ville de Chartres
Thème 4 : Conserver ou ne pas conserver les bois : pourquoi ? comment ?
14h-14h30 Mathilde Monachon, Charlène Pelé-Meziani, Elodie Guilminot, Gwenaël Lemoine : « La conservation des bois archéologiques : quand l’essence questionne le résultat du traitement »
14h30-15h François Blondel, Alba Ferreira Domínguez, Olivier Girardclos, Vincent Labbas, Sylvain Mei- gnier, Lisa Shindo : « Le projet GROOT (GROuping research On Tree-rings database) : sauvegarder, partager et valoriser les données dendrochronologiques.
15h-15h30 Jaume Vilaró-Fabregat : «The Medjehu Project’s Interdisciplinary Study of Wooden Objects at Deir el-Medina» (En visoconférence)
15h30-16h : Pause café
16h-16h30 Florence Mousset : « Quel bois garder et pourquoi? L’exemple de Notre-Dame de Paris »
16h30-17h Olivier Girardclos : « Quel bois garder et pourquoi? L’exemple de Notre-Dame de Paris et d’autres sites étudiés en dendrochronologie »
17h-17h30 Discussions et clôture des Journées
18 h : Vernissage officiel de l’exposition « Bois sacrés : une enquête archéologique de Chartres à Herculanum » (Cocktail offert par la Ville de Chartres)
Les multiples bio-indicateurs analysés en paléoécologie sont particulièrement précieux pour reconstituer l’histoire des paléoenvironnements. Parmi eux, l’analyse pollinique et la pédoanthracologie retracent les évolutions et les variations du couvert végétal et aident à la restitution des paysages anciens. En archéologie, les conditions de conservation des macrorestes végétaux et la nature même des contextes d’étude obligent les approches méthodologiques à s’adapter. Ainsi, les vestiges ligneux mis au jour sur un site archéologique sont les témoins de l’activité humaine passée. À la lumière de l’anthracologie, de la xylologie et de la dendrochronologie, l’identité taxonomique, la datation et l’observation des caractéristiques des bois impliqués traduisent, en plus de la technologie employée, notamment la sélection humaine qui, elle-même, reflète la disponibilité ou l’indisponibilité locale du taxon considéré.
Lorsque l’essence identifiée sur le site archéologique était localement indisponible car issue d’un milieu biogéographique éloigné, son importation met en lumière une pénurie locale ou une volonté délibérée d’employer un bois dont les propriétés répondent aux exigences de la pièce à produire. Une illustration est fournie par les plafonds peints médiévaux qui abondent dans les riches demeures bourgeoises languedociennes : tous ont la particularité d’être confectionnés dans du bois de sapin, une essence absente des régions de plaine méditerranéenne au Moyen Âge et délibérément importée pour répondre aux besoins des charpentiers et des décorateurs. De fait, les futs de sapin livrent des billes à la rectitude satisfaisante sur de grandes longueurs, aux nœuds de faibles dimensions et au bois dépourvu de résine. Si ces caractéristiques justifient l’emploi de sapin, on peut s’interroger sur la préférence accordée à celui-ci par rapport à une essence comme le peuplier, abondant dans les plaines et ripisylves méditerranéennes, qui aurait pu alimenter en bois les ateliers de confection des closoirs peints, et qui a servi de support aux peintres primitifs italiens. À l’évidence, l’usage de bois de sapin dans les plafonds peints a nécessité un approvisionnement et un commerce assurés sur une période de près de trois siècles. D’autres attestations passées de l’emploi de cette essence sont beaucoup plus surprenantes, tel l’emploi de billes de sapin pour concevoir et construire un système de caissons destinés à assainir une zone palustre à Fos-sur-Mer (Bouchesdu-Rhône) au milieu du [°’s. apr. J.-C. ou pour la réalisation de chevilles de blocage des ligatures servant à assembler les membrures aux virures sur un ensemble de bateaux de commerce antiques méditerranéens, datés, d’après la cargaison des épaves, entre 150 av. J.-C. et 25 apr. J.-C.
Les récentes découvertes de près de 2 000 bois antiques dans le sanctuaire gallo-romain de Saint-Martin-au-Val (Chartres, Eure-et-Loir) soulèvent de nouvelles questions sur l’utilisation des essences dans l’architecture. Le sapin, encore lui, y est majoritaire dans la composition d’un plafond à caissons alors qu’il ne s’agit pas d’une essence originaire de la région de Chartres. L’essence a-t-elle été délibérément choisie pour ses propriétés mécaniques, sa facilité de façonnage, sa légèreté, sa résistance? La question de sa provenance et de la logistique de transport qui en découle, est aussi prégnante : quels étaient les circuits d’approvisionnement du bois d’œuvre ? Comment peut-on aujourd’hui retracer ces circuits et mieux comprendre l’économie du bois ? Y avait-il un circuit propre au bois d’œuvre ? Existait-il des essences particulièrement prisées et si oui, pourquoi ? Le choix dépend-il du type de construction? L’aire de distribution passée de l’essence est-telle impliquée ?
Pour ne parler que du seul sapin, d’autres exemples abondent, dans lesquels le choix d’une essence pour de multiples usages est surprenant de par sa provenance, ses qualités mécaniques, sa forme (bois tors), son état (réemploi, bois mort…). Autant de découvertes et de mentions qui interrogent tant sur la motivation de sa sélection que sur sa biogéographie passée. Les questions soulevées pourraient par ailleurs être transposées à d’autres essences – cyprès, frêne, peuplier, arbousier..- dont les découvertes archéologiques interrogent au regard de leur biogéographie actuelle.
Informations transmises par C’Chartres Archéo et relayées par la SAEL
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