Le mai d’hommage à Maintenon

La coutume du mai remonte à l’époque médiévale. Associée à la date du 1er mai marquant le renouveau de la nature et symbolisant la joie et la liberté, cette coutume donnait aux jeunes du village le droit d’arracher dans le bois du seigneur un arbre qu’ils plantaient devant la demeure de la personne qu’ils voulaient honorer.
Cela donnait lieu à une fête populaire accompagnée de chants et danses autour de l’arbre planté, des boissons et collations étaient offertes par la personne honorée. Cette coutume appelée mai d’hommage avait évolué sous la forme de mai galant ou mai d’amour permettant aux jeunes gens de déclarer leurs amours de façon anonyme dans la nuit du 30 avril au 1er mai. La plantation était suivie par un « charivari » nocturne consistant en un vacarme d’ustensiles de cuisine entrechoqués ou un amoncellement d’objets hétéroclites sur la place du village.
Ces traditions de la jeunesse célibataire pouvaient conduire à des pratiques illégales comme la chasse non autorisée sur les terres du seigneur.

L’article ci après publié dans le bulletin N°29 de février 1969 de l’histoire locale Beauce et Perche, nous relate l’aventure des jeunes de Maintenon traduits en procès par le juge Pierre Edmée Boucher de la ville de Maintenon après leur mai d’hommage mouvementé de 1706.

LE MAI DE 1706 A MAINTENON

Rendre hommage à la Marquise en violant ses lois…

Souvent les archives judiciaires nous font saisir sur le vif des manifestations de la vie sociale d’une façon aussi concrète qu’un ethnologue qui aurait voulu nous décrire ce dont il a été le témoin.

Pierre Edme Boucher, licencié ès lois, avocat au Parlement, bailli, juge civil, criminel et de police de la ville de Maintenon, nous retrace par le menu les incidents survenus à l’occasion de l’abattage de l’arbre qui sera placé comme mai, en 1706, « devant la porte et principale entrée du chasteau » de Madame de Maintenon, en signe d’hommage.

De nombreux garçons, fidèles à la tradition, s’étaient donné rendez-vous dans un bois à l’extérieur de la ville le trente avril au matin. Une fois abattu, l’arbre avait été placé sur une charrette pour être apporté à Maintenon par Changé. A cet endroit, plusieurs quittèrent le cortège, s’arrêtèrent chez Gandon pour se rafraîchir et de là prirent à nouveau la clef des champs avec leurs fusils et leurs chiens.

Garçons notables du Marquisat, âgés de 20 à 28 ans, ils étaient procureurs : Philippe Fauveau et Pierre Corbières — praticien : Mathieu Desfèves — marchand : Charles Boullanger — arpenteur : Philippe Fauveau, fils de Gilles — et commis au greffe du baillage : Joseph Ragoulleau.
Leurs premières pièces de gibier furent tirées dans le parc du château de Grogneul; la clôture n’avait-elle pas des brèches? et François Lallier, le concierge, ne demandait qu’un lièvre pour fermer les yeux. Arpentant la plaine, ils traversèrent la garenne de Saint-Piat d’où ils remontèrent vers Chartainvilliers où « ils burent un coup » chez Michel Lefeuvre dit Fidélion. Le retour se fit par les terrasses de l’aqueduc et le fils de Fauvé les introduisit dans la garenne de la Folie où ils chassèrent à l’affût.
Claude Boitel, cabaretier à Maintenon, fut leur traiteur pour le dimanche suivant, avec deux lièvres et quatre perdrix. Ce soir du 30 avril, il fournissait à notre joyeuse équipée « poislons, marmites, chaudrons et autres instruments de cette nature » pour un charivari dans les rues et carrefours — que voulez-vous, ils voulurent donner une aubade aux dames et demoiselles de cette ville, mais n’avaient ni violons, ni tambours !

Chasser illégalement sur les terres de Madame de Maintenon, avec l’autorisation des officiers de la dite Dame, excéda Antoine Orillac, un des gardes-chasse qui n’eut pas de mal à les surprendre dans les aulnaies de Chimay.
Il y eut procès en règle, avec information, interrogatoire… Dans les 15 jours, le juge Boucher condamna nommément Boullanger le marchand… et ses complices qu’il évite de désigner, sans doute parce qu’ils appartiennent au même corps que lui.

On insista plus sur le charivari que sur le délit de chasse, mais il fallait sans doute mettre fin à un passe-droit dont nos lurons avaient peut-être abusé cette année-là.

La Marquise sut être grande dame puisque remise fut faite des amendes, dommages et intérêts; ils en furent pour les frais : 75 livres, avec l’injonction formelle de ne se servir de leur fusil, le 1er mai, que « pour aller saluer ladite Dame lorsque le mai serait planté ».

Le mai à Maintenon, avant la Révolution, était donc offert en signe de déférence à un notable. La tradition d’offrir un mai s’est poursuivie dans le temps, plus particulièrement sous la forme du mai amoureux. Il s’agissait, pour les jeunes gens (cette coutume tend à disparaître) d’aller nuitamment accrocher, devant la maison où habitait une jeune fille à marier, un mai qui pouvait être la tête d’un bouleau enrubanné — c’était l’usage dans la région de Maintenon — ou, parfois une botte de lilas — dans le Drouais par exemple —.
La famille de la jeune fille invitait alors les garçons à boire, le jour ou le dimanche suivant. Le rite du mai était une manifestation sensible du renouveau de la nature; une branche d’arbre, pleine de sève, exprimait la végétation renaissante.

Entre les deux guerres, on semble avoir attaché beaucoup d’importance aux fanfreluches de papier dont on enrobait la branche d’arbre; la manifestation en faveur de la Vie était moins évidente, heureusement on ne glissa pas jusqu’à l’emploi de fleurs en matière synthétique.

Actuellement, le premier mai est surtout consacré à la cueillette du muguet que l’on offre volontiers à la bien-aimée ou que l’on va cueillir avec elle. Ne faut-il pas voir là une autre manifestation de notre sensibilité devant la nature à travers une plante plus fragile et plus évocatrice ?

Pierre BIZEAU.

La coutume de l’arbre de mai reste pratiquée en Aquitaine et en Occitanie sous la forme du « mai d’honneur » pour célébrer les nouveaux élus municipaux. En remerciement, les élus organisent un goûter auquel sont conviés les électeurs. Dans certaines communes cette tradition concerne le patron d’une petite entreprise.

L’arbre de mai est une tradition européenne très ancienne avec des évolutions variées selon les pays. Certaines sont devenues emblématiques pour des villages comme par exemple l’érection du « MaiBaum »(très grands mats peints et décorés) en Bavière ou les danses autour des « Maypoles » (mats de mai enrubannés) au Royaume-Uni.

Sources :
Archives du Bailliage de Maintenon, aux Archives Départementales d’Eure-et-Loir. — B. 269.
Bulletin N°29 de février 1969 de l’histoire locale Beauce et Perche

Vous trouverez ce bulletin dans la librairie (option Bulletins) ou en cliquant simplement sur l’image ci-dessous

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1 réponse

  1. Françoise Guillo dit :

    Merci Bel article, les Mai j’ai connu cela dans mon village, quand j’étais gamine, les jeunes gens
    posaient des branches aux portes des maisons où il y avait des filles. et ensuite ils passaient, avec un plus gros mai sur une charrette, de maison en maison – on leur donnait la pièce.

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