La charte fondatrice
HISTOIRE DE LA VILLE, DE SES INSTITUTIONS, DE SES MUNICIPALITES ET MAIRIES DEPUIS 1297 |
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La charte fondatrice des institutions municipales chartraines. |
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« À touz ceus qui verront cestes presentes lettres, Charles, filz dou Roi de France, conte de Valoys, d’Alençon, de Chartres et d’Anjou, saluz en Nostre-Seigneur.. » |
Depuis 1790, le paysage urbain s’organise au tour de la mairie, et la vie
communale autour du maire et de son conseil. Mais dès le XII° siècle des villes tiennent le droit de s’assembler pour affaires communes. À Chartres c’est en 1297 que commence cette histoire.
Administration du comté de Chartres avant 1297
Jusque là, Chartres est administrée par les officiers du comte : au châtelain (futur bailli) l’autorité judiciaire et administrative : au prévôt l’impôt du comte, certains droits de justice et de police. D’où des conflits, entre prévôt et châtelain, prévôt et chapitre : entre l’autorité royale grandissante, le comte et l’évèque. Comme les comtes de Chartres-Champagne réjettent toute idée de droits municipaux, des bourgeois se font avoués du chapitre pour échapper à leur arbitraire. Ce qui profité aux chanoines et excite la colère du comte, mais exclut toute revendication municipale. Pourtant, dans le diocèse d’alors, Dreux jouit de libertés communales dès 1108, Étampes et Châteaudun sous le règne de Philippe-Auguste. Au-delà, Le Mans est autonome en 1072 et Orléans en 1137.
Charles de Valois (1270-1323). signataire de la charte
Fils cadet du roi Philippe le Hardi et frère du roi Philippe le Bel (1268-1285-1314), il est devenu comte d’Anjou par son mariage avec Marguerite de Sicile. En 1283 il reçoit du roi, qui en 1286 l’a acheté à sa tante Jeanne d’Alençon moyennant une rente de 3 000 livres, le comté de Chartres en apanage (« pour donner du pain »). Dès 1294, confronté à la question du Cloitre Notre-Dame, il cède les occupants des maisons canoniales situées hors du cloitre à la juridiction du chapitre. Autant de sujets réglés en dehors des habitants : « l’en leur refusait aucunne foiz ou contredisait à assambler et faire procurateurs ou gouverneurs de la dite ville, banlieue ou appartenances d’iceles, pour leurs causes, besoingnes et autres choses necessaires et profitables de la dite ville». Et souvent par le roi lui-même puisque Charles de Valois, son chef de guerre, est rarement dans son nouveau comté.
Un texte juridique
Rédigé à Paris et signé en mars 1297 par le comte et son épouse, le texte suit le standard juridique d’alors : après le salut du signataire et la déclinaison de ses titres : « filz dou Roi de France, conte de Valoys d’Alençon. de Chartres et d’Anjou », vient l’énoncé des parties : « Nouz genz en non de Nous et pour NOUS », et nos citoiains, mananz et bourgois de Chartres et de la Banliue et des appartenances » et leur descendance : « hoirs » et «successeurs», Suivent les griefs puis les concessions, validés par un « conseil de bonnes genzs, On reconnait la langue du XIII° siècle au pluriel encore flottant de « cheval » : « nouz genz… prennoient les chevax des diz citoiens… que Nous ne nouz genz ne puissions prendre ne arrester les chevaus… ».
Toutefois, sous cette forme de contrat négocié, la charte ne serait-elle qu’un acte unilatéral? Les Chartrains, qui n’ont rien revendiqué jusque-là, y sont-ils vraiment associés ?
Très chères libertés
Les avantages concédés pourraient servir à faire accepter le prix élevé de 12 000 livres tournois (supérieures à la livre parisis), payé en préalable à la signature : «les diz citoiens… nous ont doné, soulz (acquitté) et paie douze mile livres de tournois», Après la campagne contre les Anglais en Aquitaine, Charles de Valois ne doit-il pas se mettre sur le pied de guerre pour celle des Flandres ?
Chartres acquiert ainsi à prix d’argent une charte de « simple franchises, modéle répandu dans le domaine royal, où le seigneur conserve tous les pouvoirs en droit, mais régulés et limités. Elles résout les difficultés énoncées : désaccord sur des coutumes locales, exigence en matière d’impôts, de service militaire et de justice. Sur chaque point Charles de Valois donne sa solution : exemption de la taille (impôt sur la personne) et de toute toste (impôt). limitation du service d’ost (militaire) et des réquisitions, franchises et privilèges. Les droits du roi sont préservés car les bourgeois enverront leur milice à l’armée royale.
Le comte rappelle qu’il peut « prendre et lever taille à plaisir » mais déclare renoncer aux 400 livres annuelles consenties selon ses dires par ses sujets, tout en remplaçant la réquisition des chevaux par un « Message » qui, selon lui « vaut Bien trente livres par an ». Les garanties de droit privé ou criminel incluent la reconnaissance des coutumes locales et la protection contre les arrestations arbitraires, avec liberté sous caution pour les peines à une « amende de chatel » (basse justice), limitation de l’emprisonnement à trois « quinzaines » et trois « quarantaines » si le crime n’est ni notoire ni manifeste, s’il n’y a ni poursuite ni accusateur.
Fondement du droit municipal chartrain
L’autorisation de s’assembler et d’élire des représentants, arrive en dernier : « Voulons et octroyons que les citoyens, manants et bourgeois dessusdits puissent eux assembler, faire procurateurs pour les causes, besognes ou gouvernements et nécessités, touchant et appartenant au profit de la ville et des ciloyens dessusdits en la forme et en la manière que les citoyens, manants et bourgeois d’Orléans le font et ont usé et accoutumé de le faire ». Si on ignore la réaction royale, rien ne semble contrarier l’exécution de la charte, que Charles de Valois soumet d’ailleurs à l«’assentement, auctorité et decret » de son « chier seigneur et frere le Roi de France… »,
La charte de mars 1297 est un bien mauvais tour joué au chapitre, dont les avoués, heureux d’échapper à l’arbitraire du comte et las des exigences des chanoines, se rangent du côté de l’autorité civile et regagnent le « Pavé du Roi».
Juliette Clément
Directrice de Publication de la Société archéologique d’Eure-et-Loir
Sources : fonds SAEL AM Chartres. CL J Clément
A suivre : I. Fonctionnement des institutions Municipales chartraines, municipalités et mairies de 1297 à 1789.
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