Une visite de l’empereur

UNE VISITE DE L’EMPEREUR

Les visites de l’empereur dans les départements étaient pour les préfets une épreuve à la fois souhaitée et redoutée : la suite de leur carrière pouvait en dépendre.
En Eure-et-Loir une première réception était prévue pour le 14 août 1808 : la préfecture avait fait des frais, la municipalité voté des crédits afin d’accueillir l’Empereur, mais celui-ci ne s’arrêta qu’au relais de la poste pour changer de chevaux. Le couple impérial n’avait même pas posé pied à terre.
Le 30 octobre 1808, l’empereur se rendant en Espagne s’arrêta sans être annoncé à l’hôtel du Grand Monarque, pour y déjeuner. Au retour d’Espagne il ne fit que passer.
En 1811, un déplacement de l’empereur vers Cherbourg fournit une nouvelle occasion. Ce fut la bonne : le maire de Chartres Billard fit afficher le 18 mai un placard annonçant la venue du couple impérial pour le 27 mai. Une circulaire ministérielle devait rectifier : premier juin.
Sous l’impulsion du préfet, les habitants se mirent à la confection d’arcs de triomphe à l’entrée des communes et à la décoration des maisons sur la route du cortège. L’ancien évêché, alors siège de la préfecture, est entièrement rénové : peintures refaites, arbres taillés, allées garnies de sable. A l’intérieur revêtements et sculptures sont nettoyés ; au premier étage l’architecte du département, Vestier, remanie la disposition des cloisons de façon à obtenir un espace suffisant pour l’installation du trône impérial.
L’Empereur occupera les appartements du préfet au rez-de-chaussée. L’Impératrice et les dames de sa suite seront installées au premier étage. La salle à manger du préfet fut transformée en cabinet de toilette pour l’Empereur. Des tapisseries et un mobilier neuf furent acquis pour un montant de 17 500 francs. Le ministère fut réticent sur cette dépense non prévue au budget et le conseil général dut voter une imposition supplémentaire de 3 centimes.
A l’aller vers Cherbourg, Delaître vint au devant du cortège à la limite nord du département au niveau de Goussainville, accompagné du sous-préfet de Dreux, Mars, de l’ingénieur de l’arrondissement et des maires des communes environnantes. Il présenta ses hommages et ceux de la population d’Eure-et-Loir, invita l’Empereur aux festivités que la ville de Chartres comptait lui offrir à son retour. L’Empereur ne descendit pas de voiture mais accepta l’invitation.
Le début des festivités eut lieu à La Loupe où Delaître et Rouillé d’Orfeuil vinrent se poster le dimanche 2 juin sous un arc de triomphe. Delaître prononça ce discours :

« Sire Je viens à nouveau offrir à votre Majesté l’hommage des sentiments d’amour et de fidélité des habitants d’Eure-et-Loir

Cette province ne se distingue que par son caractère laborieux, sa soumission aux lois, son profond dévouement à votre personne sacrée.

Daignez, Sire, jeter un regard de bienveillance sur ce peuple cultivateur, qui malgré la douceur de ses mœurs, fournit à vos armées, de braves et d’intrépides soldats.

Pour moi, Sire, le plus beau jour de ma vie est celui où je puis offrir à votre Majesté et à son auguste épouse, mes hommages particuliers, au milieu de la province dont vous m’avez confié l’administration (On trouvera les renseignements sur la visite de l’empereur dans : DUVERGIE, op.cit. : accueil du couple, p.5).

 

Le lendemain 3 juin fut le théâtre d’une désillusion pour le sous-préfet de Châteaudun Séverin Marceau qui devait recevoir la légion d’honneur des mains de l’Empereur. La scène, contée par Duvergie, ne manque pas de pittoresque.
Il est difficile de mesurer les autres retombées de cette visite tant pour le préfet que pour le département.

 

 

« Votre nom, Monsieur ?
– Je suis le frère de l’illustre général, qui…
– Je ne vous demande pas cela, Monsieur, votre nom encore une fois ?
– Je suis Le frère de l’illustre général… répéta-t-il en rougissant.
Il n’acheva pas, l’Empereur lui avait tourné le dos avec un léger haussement d’épaules et s’adressant à son voisin  :Votre nom, Monsieur ?
– De Senarmont, Sire.
– Je connais ce nom, c’était celui d’un de mes généraux, le plus brave qu’ait compté le corps de l’artillerie ; il fut tué devant Cadix.
– C’était mon frère, Sire.
– Votre père servit avec honneur l’ancienne dynastie, et d’autres membres de votre famille ont servi dans mes armées. Et quel est votre titre?
– Je suis membre du conseil général du département.
– Veuillez prendre celui de président du collège électoral ; dans une famille telle que la vôtre il ne peut naître que des hommes de mérite, et je vous prie d’accepter ce gage de ma haute estime. »

Napoléon décora donc M. de Senarmont, puis le maire de Chartres Billard.

DUVERGIE, p. 9.

 

 

Collectif  SAEL.

 

Mobilier acquis pour aménager les appartements de l’empereur et de l’impératrice, dans le palais de la préfecture, l’ancien palais épiscopal à cette date (fonds Jusselin, fonds ancien BMC, Médiathèque de Chartres). 

 

 

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